Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/282

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hinc cum immaturo amore ad sponsum, inquit, oblita fratrum mortuorum vivique, oblita patriæ. Sic eat quæcumque Romana lugebit hostem. » Atrox visum id facinus patribus plebique, sed recens meritum facto obstabat : tamen raptus in jus ad Regem. Rex, ne ipse tam tristis ingratique ad vulgus judicii, aut secundum judicium supplicii auctor esset, concilio populi advocato : « Duumviros, inquit, qui Horatio perduellionem judicent secundum legem, facio. » Lex horrendi carminis erat : « Duumviri perduellionem judicent. Si a duumviris provocarit, provocatione certato ; si vincent, caput obnubito, infelici arbori reste suspendito, verberato, vel intra pomœrium, vel extra pomœrium. » Hac lege duumviri creati, qui se absolvere non rebantur ea lege, ne innoxium quidem, posse. Quum condemnassent, tum alter ex his : « P. Horati, tibi perduellionem judico, inquit. I, lictor, colliga

    ton époux avec ce hâtif et inconsidéré amourachement ; oublieuse que tu es de tes frères morts et de celui qui reste en vie ; oublieuse de la gloire de ton pays : qu’ainsi en puisse-t-il prendre à quelconque Romaine qui fera deuil pour l’ennemi ! » Cet acte-là sembla inhumain et par trop cruel, tant aux patriciens qu’au commun peuple. Mais ses mentes tous récents supportoient aucunement le forfait. Si ne laissa il pas toutefois d’en être appelé devant le Roi, lequel pour non être auteur d’un si piteux jugement, désagréable à tout le peuple ensemble de l’exécution qui s’en ensuivroit, ayant fait assembler l’audience : « Je commets (ce dit-il) deux hommes pour faire le procès à Horace selon la loi du crime de perduellion. » Cette loi étoit d’une teneur fort horrible pour lui : « Que les duumvirs jugent Horace avoir commis perduellion et crime de félonie : s’il en appelle, qu’il relève son appel, et le soutienne le mieux qu’il pourra. Si la sentence des duumvirs obtient et l’emporte, qu’on lui bande le chef, et soit pendu et étranglé d’un cordeau à un arbre malencontreux, l’ayant auparavant fouetté au dedans des remparts ou dehors. » Par cette loi les duumvirs ayant été premièrement établis, parce qu’ils ne voyoient pas que suivant icelle ils eussent pouvoir d’absoudre, même un innocent, le condamnèrent. Et alors l’un d’eux prononçant la sentence : « Horace, dit-il, je te déclare perduellion et condamne pour tel. Va, licteur, et lui lie les mains. »