Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/287

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premier est que cette action, qui devient la principale de la pièce, est momentanée, et n’a point cette juste grandeur que lui demande Aristote, et qui consiste en un commencement, un milieu, et une fin[1]. Elle surprend tout d’un coup ; et toute la préparation que j’y ai donnée par la pointure de la vertu farouche d’Horace, et par la défense qu’il fait à sa sœur de regretter qui que ce soit, de lui ou de son amant, qui meure au combat, n’est point suffisante pour faire attendre un emportement si extraordinaire, et servir de commencement à cette action.

Le second défaut est que cette mort fait une action double, par le second péril où tombe Horace après être sorti du premier. L’unité de péril d’un héros dans la tragédie fait l’unité d’action ; et quand il en est garanti, la pièce est finie, si ce n’est que la sortie même de ce péril l’engage si nécessairement dans un autre, que la liaison et la continuité des deux n’en fasse qu’une action ; ce qui n’arrive point ici, où Horace revient triomphant, sans aucun besoin de tuer sa sœur, ni même de parler à elle ; et l’action seroit suffisamment terminée à sa victoire. Cette chute d’un péril en l’autre, sans nécessité, fait ici un effet d’autant plus mauvais, que d’un péril public, où il y va de tout l’État, il tombe en un péril particulier, où il n’y va que de sa vie, et pour dire encore plus, d’un péril illustre, où il ne peut succomber que glorieusement, en un péril infâme, dont il ne peut sortir sans tache. Ajoutez, pour troisième imperfection, que Camille, qui ne tient que le second rang dans les trois premiers actes, et y laisse le premier à Sabine, prend le premier en ces deux derniers, où cette Sabine n’est plus considérable, et qu’ainsi s’il y a égalité dans les mœurs, il n’y en a

  1. Voyez tome I, p. 29.