Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

siècle[1]. Elle avait vivement défendu l’ouvrage et l’auteur, et Corneille lui dit d’un ton pénétré : « Je ne vous dois pas moins pour moi que pour le Cid. »

Par malheur il perdit en partie le fruit de cette utile démarche en faisant paraître son Excuse à Ariste[2], qui a servi de prétexte aux nombreuses attaques dont le Cid a été l’objet. Dans cette épître notre poëte refuse à un de ses amis quelques couplets, en lui répondant que cent vers lui coûtent moins que deux mots de chanson, et il ne dissimule ni le légitime orgueil qu’il éprouve, ni le profond dédain que lui inspirent ses rivaux.

Les éditeurs et les biographes de Corneille sont loin d’être d’accord sur l’époque où ce petit poëme a paru. Au lieu de faire ici l’énumération de leurs opinions contradictoires, voyons si l’examen des écrits du temps ne peut pas nous fournir une solution à peu près certaine.

« On ne vous a pas sollicité, dit Mairet, de faire imprimer à contre-temps cette mauvaise Excuse à Ariste… À dire vrai, l’on ne vous a pas cru ni meilleur dramatique, ni plus honnête homme pour avoir fait cette scandaleuse lettre, qui doit être appelée votre pierre d’achopement, puisque sans elle ni la satire de l’Espagnol[3], ni la censure de l’observateur[4] n’eussent jamais été conçues[5]. »

Ce passage indique bien que l’Excuse à Ariste est postérieure au Cid, et de plus il nous fait connaître l’ordre dans lequel les premières pièces qui y ont répondu ont été publiées. L’extrait qui va suivre, emprunté à un autre libelle, confirme et précise ce témoignage :

« On m’a dit que pour la bien défendre (L’Excuse à Ariste), il assure qu’elle étoit faite il y a déjà plus de trois ans. Vrai-

  1. Lettres de Guy Patin, édition de M. Reveillé-Parise, tome I, p. 493 et 494, et Historiettes de Tallemant des Réaux, tome II, p. 163.
  2. On ne sait sous quelle forme cette pièce parut pour la première fois. Elle circula peut-être d’abord manuscrite. La seule édition que nous connaissions forme 4 pages in-8o, sans date, et l’épître y est suivie du Rondeau dont nous aurons à parler tout à l’heure. Pour le texte de l’Excuse, voyez dans la présente édition les Poésies diverses.
  3. L’Auteur du vrai Cid espagnol. Voyez p. 20.
  4. Les Observations sur le Cid. Voyez p. 23, note i.
  5. Épître familière du Sr Mairet, p. 19 et 20.