Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/32

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ment je n’imputerois qu’à vanité cette ridicule saillie si elle étoit postérieure au Cid, puisque le grand bruit qu’il a fait d’abord et par hasard pouvoit étourdir une cervelle comme la sienne ; mais d’avoir eu ces sentiments et les avoir exprimés avant le succès de cette plus heureuse que bonne pièce, il me pardonnera s’il lui plaît, je treuve que c’est proprement s’ivrer avec de l’eau froide ou du vinaigre, et se faire un sceptre de sa marotte.[1] »

Ces réflexions prouvent de la façon la plus indubitable que l’Excuse à Ariste n’a été imprimée qu’après le succès du Cid, et, malgré les allégations des partisans de Corneille, il n’est point permis de croire qu’elle ait été composée auparavant.

Nous trouvons, quant à nous, la plus grande analogie entre cette pièce de vers et la belle épître imprimée en tête de la Suivante en septembre 1637 ; le sixain qu’elle renferme est tout à fait du même ton que l’Excuse, et les deux morceaux nous paraissent également répondre aux clameurs des critiques du Cid[2].

La première réponse à l’épître de Corneille fut : « L’Autheur du vray Cid espagnol à son traducteur françois, sur une Lettre en vers qu’il a fait imprimer, intitulée « Excuse à Ariste, » où après cent traicts de vanité il dit de soy-mesme :

Je ne dois qu’à moy seul toute ma renommée. »


Cette réponse, composée seulement de six stances[3], se termine par les vers suivants :

Ingrat, rends-moi mon Cid jusques au dernier mot :
Après tu connoîtras, Corneille déplumée,
Que l’esprit le plus vain est souvent le plus sot,
Et qu’enfin tu me dois toute ta renommée.


Elle est signée Don Baltazar de la Verdad. Corneille et ses partisans n’hésitèrent pas à l’attribuer à Mairet. « Bien que vous y fissiez parler un auteur espagnol dont vous ne saviez pas le nom, lui dirent-ils plus tard, la foiblesse de votre style vous découvroit assez[4]. »

  1. Réponse à l’Ami du Cid, p. 33.
  2. Voyez la Notice de la Suivante, tome II, p. 115.
  3. Nous connaissons de cette pièce deux éditions, toutes deux in-8o. L’une forme 2 feuillets non chiffrés, l’autre 3 pages.
  4. Avertissement au besançonnois Mairet. Voyez ci-après, p. 67.