Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/349

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Et prenez, s’il se peut, plaisir à lui déplaire.
Il vient : préparons-nous à montrer constamment
Ce que doit une amante à la mort d’un amant.


Scène V.

HORACE, CAMILLE, PROCULE.
(Procule porte en sa main les trois épées des Curiaces[1].)
HORACE.

Ma sœur, voici le bras qui venge nos deux frères,
Le bras qui rompt le cours de nos destins contraires,
Qui nous rend maîtres d’Albe ; enfin voici le bras
Qui seul fait aujourd’hui le sort de deux États ;
Vois ces marques d’honneur, ces témoins de ma gloire,
Et rends ce que tu dois à l’heur de ma victoire.

CAMILLE.

Recevez donc mes pleurs, c’est ce que je lui dois[2].

HORACE.

Rome n’en veut point voir après de tels exploits,
Et nos deux frères morts dans le malheur des armes
Sont trop payés de sang pour exiger des larmes :
Quand la perte est vengée, on n’a plus rien perdu.

CAMILLE.

Puisqu’ils sont satisfaits par le sang épandu,
Je cesserai pour eux de paroître affligée,
Et j’oublierai leur mort que vous avez vengée ;
Mais qui me vengera de celle d’un amant,
Pour me faire oublier sa perte en un moment ?

  1. Var. Procule et deux autres soldats (a) portant chacun une épée des Curiaces. (1641-60)
    (a) Et les deux autres soldats. (1641 in-12 et 47)
  2. Voyez la Notice d’Horace, p. 248 et note i.