Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/380

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absolument inutiles, particulièrement dans les histoires peu connues, où le moindre avertissement donne quelquefois beaucoup de lumière et d’intelligence. Je n’ignore pas que cette mienne opinion ne puisse être condamnée de quelques-uns ; mais je sais bien aussi qu’elle est suivie de beaucoup d’autres, et que j’ai pour modèle et pour partisan (comme pour ami et pour compatriote, dont je ne tire pas une petite vanité) le grand maître de l’art qui dans le Cinna et le Polyeucte n’a pas jugé hors de propos de préparer ses lecteurs par des commencements semblables. »

Après le Cid, Cinna est de toutes les pièces de Corneille celle qui, de son vivant, a fait le plus de bruit. Il revient lui-même à plusieurs reprises sur « les illustres suffrages » qu’elle a obtenus[1]. Ne pas la bien connaître était une des plus grandes marques d’ignorance que l’on pût donner ; et en 1661, Dorimon, dans sa Comédie de la comédie, faisait rire aux dépens d’un sot qui, pour trancher de l’entendu, vantait la prose de Cinna.

Nous avons dit à combien de parodies le Cid avait donné lieu, et à quel point Corneille s’irritait des moindres plaisanteries de ce genre[2]. Pour Cinna, nous n’en trouvons aucune qui ait été représentée. Seulement, à une époque bien postérieure à celle de la représentation, l’abbé de Pure fit, ou du moins distribua une brochure intitulée : Boileau, ou la Clémence de M. Colbert ; c’est une imitation burlesque de la scène où Auguste déclare à Cinna qu’il connaît tous les détails du complot tramé contre lui. Gilles Boileau y est convaincu par le ministre Colbert d’avoir composé des libelles. Si ombrageux que fût Corneille, cette plaisanterie fort médiocre, qui n’était d’ailleurs nullement dirigée contre son œuvre, ne dut lui causer aucun chagrin.


  1. Voyez plus loin, p. 378 et note 2.
  2. Voyez ci-dessus, p. 17 et 107 note 2.