Que l’un s’en est démis, et l’autre l’a gardé ;
Mais l’un, cruel, barbare, est mort aimé, tranquille,
Comme un bon citoyen dans le sein de sa ville ;
L’autre, tout débonnaire, au milieu du sénat,
A vu trancher ses jours par un assassinat.
Ces exemples récents suffiraient pour m’instruire,
Si par l’exemple seul on se devait conduire :
L’un m’invite à le suivre, et l’autre me fait peur ;
Mais l’exemple souvent n’est qu’un miroir trompeur,
Et l’ordre du destin qui gêne nos pensées
N’est pas toujours écrit dans les choses passées :
Quelquefois l’un se brise où l’autre s’est sauvé,
Et par où l’un périt, un autre est conservé.
Voilà, mes chers amis, ce qui me met en peine.
Vous, qui me tenez lieu d’Agrippe et de Mécène[1],
Pour résoudre ce point avec eux débattu,
Prenez sur mon esprit le pouvoir qu’ils ont eu.
Ne considérez point cette grandeur suprême,
Odieuse aux Romains, et pesante à moi-même ;
Traitez-moi comme ami, non comme souverain ;
Rome, Auguste, l’État, tout est en votre main :
Vous mettrez et l’Europe, et l’Asie, et l’Afrique,
Sous les lois d’un monarque, ou d’une république ;
Votre avis est ma règle, et par ce seul moyen
Je veux être empereur, ou simple citoyen.
Malgré notre surprise, et mon insuffisance,
Je vous obéirai, seigneur, sans complaisance,
Et mets bas le respect qui pourroit m’empêcher
- ↑ Voyez dans le livre II de Dion Cassus, chapitres i-xli, la délibération d’Auguste avec Agrippa et Mécène, et les longs discours de ses deux conseillers. Cinna ouvre ici le même avis que Mécène ; et Maxime le même qu’Agrippa.