De combattre un avis où vous semblez pencher ;
Souffrez-le d’un esprit jaloux de votre gloire,
Que vous allez souiller d’une tache trop noire,
Si vous ouvrez votre âme à ces impressions[1]
Jusques à condamner toutes vos actions.
On ne renonce point aux grandeurs légitimes ;
On garde sans remords ce qu’on acquiert sans crimes ;
Et plus le bien qu’on quitte est noble, grand, exquis,
Plus qui l’ose quitter le juge mal acquis.
N’imprimez pas, seigneur, cette honteuse marque
À ces rares vertus qui vous ont fait monarque ;
Vous l’êtes justement, et c’est sans attentat
Que vous avez changé la forme de l’État.
Rome est dessous vos lois par le droit de la guerre,
Qui sous les lois de Rome a mis toute la terre ;
Vos armes l’ont conquise, et tous les conquérants
Pour être usurpateurs ne sont pas des tyrans ;
Quand ils ont sous leurs lois asservi des provinces[2],
Gouvernant justement, ils s’en font justes princes :
C’est ce que fit César ; il vous faut aujourd’hui
Condamner sa mémoire, ou faire comme lui.
Si le pouvoir suprême est blâmé par Auguste,
César fut un tyran, et son trépas fut juste,
Et vous devez aux Dieux compte de tout le sang
Dont vous l’avez vengé pour monter à son rang.
N’en craignez point, seigneur, les tristes destinées[3] ;
Un plus puissant démon veille sur vos années :
On a dix fois sur vous attenté sans effet,
Et qui l’a voulu perdre au même instant l’a fait.
- ↑ Var. Si vous laissant séduire à ces impressions,
Vous-même condamnez toutes vos actions. (1643-56) - ↑ Var. Lorsque notre valeur nous gagne une province,
Gouvernant justement, on devient juste prince. (1643-56) - ↑ Var. Mais sa mort vous fait peur ? Seigneur, les destinés
D’un soin bien plus exact veillent sur vos années. (1643-56)