Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/430

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Le sien, et non la gloire, anime son courage.
Il aimeroit César, s’il n’étoit amoureux,
Et n’est enfin qu’ingrat, et non pas généreux.
Pensez-vous avoir lu jusqu’au fond de son âme ?
Sous la cause publique il vous cachoit sa flamme,750
Et peut cacher encor sous cette passion
Les détestables feux de son ambition.
Peut-être qu’il prétend, après la mort d’Octave,
Au lieu d’affranchir Rome, en faire son esclave,
Qu’il vous compte déjà pour un de ses sujets,755
Ou que sur votre perte il fonde ses projets.

MAXIME.

Mais comment l’accuser sans nommer tout le reste ?
À tous nos conjurés l’avis seroit funeste,
Et par là nous verrions indignement trahis
Ceux qu’engage avec nous le seul bien du pays.760
D’un si lâche dessein mon âme est incapable :
Il perd trop d’innocents pour punir un coupable.
J’ose tout contre lui, mais je crains tout pour eux.

euphorbe

Auguste s’est lassé d’être si rigoureux ;
En ces occasions, ennuyé de supplices,765
Ayant puni les chefs, il pardonne aux complices.
Si toutefois pour eux vous craignez son courroux,
Quand vous lui parlerez, parlez au nom de tous.

MAXIME.

Nous disputons en vain, et ce n’est que folie
De vouloir par sa perte acquérir Émilie :770
Ce n’est pas le moyen de plaire à ses beaux yeux
Que de priver du jour ce qu’elle aime le mieux.
Pour moi j’estime peu qu’Auguste me la donne :
Je veux gagner son cœur plutôt que sa personne,
Et ne fais point d’état de sa possession,775
Si je n’ai point de part à son affection.