Mais apprenez qu’Auguste est moins tyran que vous :
S’il nous ôte à son gré nos biens, nos jours, nos femmes,
Il n’a point jusqu’ici tyrannisé nos âmes ;
Mais l’empire inhumain qu’exercent vos beautés
Force jusqu’aux esprits et jusqu’aux volontés.
Vous me faites priser ce qui me déshonore ;
Vous me faites haïr ce que mon âme adore ;
Vous me faites répandre un sang pour qui je dois
Exposer tout le mien et mille et mille fois :
Vous le voulez, j’y cours, ma parole est donnée[1] ;
Mais ma main, aussitôt contre mon sein tournée,
Aux mânes d’un tel prince immolant votre amant,
À mon crime forcé joindra mon châtiment[2],
Et par cette action dans l’autre confondue,
Recouvrera ma gloire aussitôt que perdue[3].
Adieu.
Scène V.
Vous avez mis son âme au désespoir.
Qu’il cesse de m’aimer, ou suive son devoir.
Il va vous obéir aux dépens de sa vie :
Vous en pleurez !
- ↑ Var. Je l’ai juré, j’y cours, et vous serez vengée ;
Mais ma main, aussitôt dedans mon sein plongée. (1643-56) - ↑ Var. À ce crime forcé joindra le châtiment (a).
(a) Racine s’est rappelé ce passage dans Andromaque (acte IV scène iii) :
Et mes sanglantes mains, sur moi-même tournées,
Aussitôt, malgré lui, joindront nos destinées. - ↑ Var. Recouvrera sa gloire aussitôt que perdue. (1643-56)