Et ne put négliger le bras qui la vengeoit :
Elle n’a conspiré que par mon artifice ;
J’en suis le seul auteur, elle n’est que complice.
Cinna, qu’oses-tu dire ? est-ce là me chérir,
Que de m’ôter l’honneur quand il me faut mourir ?
Mourez, mais en mourant ne souillez point ma gloire.
La mienne se flétrit, si César te veut croire.
Et la mienne se perd, si vous tirez à vous
Toute celle qui suit de si généreux coups.
Eh bien ! prends-en ta part, et me laisse la mienne ;
Ce seroit l’affoiblir que d’affoiblir la tienne :
La gloire et le plaisir, la honte et les tourments,
Tout doit être commun entre de vrais amants.
Nos deux âmes, Seigneur, sont deux âmes romaines ;
Unissant nos désirs, nous unîmes nos haines ;
De nos parents perdus le vif ressentiment
Nous apprit nos devoirs en un même moment ;
En ce noble dessein nos cœurs se rencontrèrent ;
Nos esprits généreux ensemble le formèrent ;
Ensemble nous cherchons l’honneur d’un beau trépas :
Vous vouliez nous unir, ne nous séparez pas.
Oui, je vous unirai, couple ingrat et perfide,
Et plus mon ennemi qu’Antoine ni Lépide :
Oui, je vous unirai, puisque vous le voulez :
Il faut bien satisfaire aux feux dont vous brûlez,
Et que tout l’univers, sachant ce qui m’anime,
S’étonne du supplice aussi bien que du crime.