Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 3.djvu/48

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à l’heure même en diligence dire qu’on arrêtât l’impression. Il voulut enfin que MM. de Serizay, Chapelain et Sirmond le vinssent trouver, afin qu’il pût leur expliquer mieux son intention. M. de Serizay s’en excusa, sur ce qu’il étoit prêt à monter à cheval pour s’en aller en Poitou. Les deux autres y furent. Pour les écouter, il voulut être seul dans sa chambre, excepté MM. de Bautru et de Boistrobert, qu’il appela comme étant de l’Académie. Il leur parla fort longtemps, très-civilement, debout et sans chapeau.

« M. Chapelain voulut, à ce qu’il m’a dit, excuser M. de Cerisy, le plus doucement qu’il put ; mais il reconnut d’abord que cet homme ne vouloit pas être contredit : car il le vit s’échauffer et se mettre en action, jusque-là que s’adressant à lui, il le prit et le retint tout un temps par ses glands, comme on fait sans y penser quand on veut parler fortement à quelqu’un et le convaincre de quelque chose. La conclusion fut, qu’après leur avoir expliqué de quelle façon il croyoit qu’il falloit écrire cet ouvrage, il en donna la charge à M. Sirmond, qui avoit en effet le style fort bon et fort éloigné de toute affectation. Mais M. Sirmond ne le satisfit point encore ; il fallut enfin que M. Chapelain reprît tout ce qui avoit été fait, tant par lui que par les autres, de quoi il composa l’ouvrage tel qu’il est aujourd’hui, qui, ayant plu à la Compagnie et au Cardinal, fut publié bientôt après, fort peu différent de ce qu’il étoit la première fois qu’il lui avoit été présenté écrit à la main, sinon que la matière y est un peu plus étendue, et qu’il y a quelques ornements ajoutés.

« Ainsi furent mis au jour, après environ cinq mois de travail[1], les Sentiments de l’Académie françoise sur le Cid[2], sans que, durant ce temps-là, ce ministre qui avoit toutes les affaires du royaume sur les bras, et toutes celles de l’Europe dans la tête, se lassât de ce dessein, et relâchât rien de ses soins pour cet ouvrage[3]. »

On serait tenté de croire que pendant ces cinq mois le nombre des libelles diminua. Il n’en fut rien. Dans la lettre

  1. Registres, 23 novembre 1637. (Note de Pellisson.)
  2. À Paris, chez Jean Camusat, 1638, in-8o.
  3. Relation contenant l’histoire de l’Académie françoise, p. 193-204.