Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/103

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Cordus[1], un vieux Romain qui demeure en ces lieux,
1500Retournant de la ville, y détourne les yeux ;
Et n’y voyant qu’un tronc dont la tête est coupée[2],
À cette triste marque il reconnoît Pompée.
Soudain la larme à l’œil : « Ô toi, qui que tu sois,
À qui le ciel permet de si dignes emplois,
1505Ton sort est bien, dit-il, autre que tu ne penses ;
Tu crains des châtiments, attends des récompenses.
César est en Égypte, et venge hautement
Celui pour qui ton zèle a tant de sentiment.
Tu peux faire éclater les soins qu’on t’en voit prendre[3],
1510Tu peux même à sa veuve en reporter la cendre.
Son vainqueur l’a reçue avec tout le respect
Qu’un dieu pourroit ici trouver à son aspect.
Achève, je reviens. » Il part et m’abandonne,
Et rapporte aussitôt ce vase qu’il me donne,
1515Où sa main et la mienne enfin ont renfermé
Ces restes d’un héros par le feu consumé[4].

CORNÉLIE.

Oh ! que sa piété mérite de louanges !

PHILIPPE.

En entrant j’ai trouvé des désordres étranges.
J’ai vu fuir tout un peuple en foule vers le port[5],
1520Où le roi, disoit-on, s’étoit fait le plus fort.
Les Romains poursuivoient ; et César, dans la place
Ruisselante du sang de cette populace,

  1. Dans la Pharsale (livre VIII, vers 715 et 716), Cordus est un questeur de Pompée, qui avait accompagné son général dans sa fuite.
  2. Les éditions de 1644 portent, par erreur évidemment : « dont la tête coupée. »
  3. Var. [Tu peux même à sa veuve en reporter la cendre (a),]
    Dans ces murs que tu vois bâtis par Alexandre. (1644-56)

    (a) Tu peux même à sa veuve en rapporter la cendre. (1644 in-12 et 48-56)
  4. Var. Ces restes d’un héros par le feu consommé. (1644-56)
  5. Var. Tout un grand peuple armé fuyoit devers le port. (1644-56)