Je n’ouvre point les yeux sur ma grandeur si proche,
Qu’aussitôt à mon cœur mon sang ne le reproche ;
J’en ressens dans mon âme un murmure secret,
Et ne puis remonter au trône sans regret[1].
Un grand peuple, Seigneur, dont cette cour est pleine,
Par des cris redoublés demande à voir sa reine,
Et tout impatient déjà se plaint aux cieux
Qu’on lui donne trop tard un bien si précieux.
Ne lui refusons plus le bonheur qu’il desire :
Princesse, allons par là commencer votre empire.
Fasse le juste ciel, propice à mes desirs,
Que ces longs cris de joie étouffent vos soupirs,
Et puissent ne laisser dedans votre pensée
Que l’image des traits dont mon âme est blessée !
Cependant, qu’à l’envi ma suite et votre cour
Préparent pour demain la pompe d’un beau jour,
Où dans un digne emploi l’une et l’autre occupée
Couronne Cléopatre et m’apaise Pompée,
élève à l’une un trône, à l’autre des autels,
Et jure à tous les deux des respects immortels.
- ↑ Var. Et n’ose remonter au trône sans regret. (1644-56)