Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/306

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Il n’est à son avis que d’être mariée ;
65Et comme en un naufrage on se prend où l’on peut,
En fille obéissante elle veut ce qu’on veut.
Voilà donc le bonhomme enfin à sa seconde,
C’est-à-dire qu’il prend la poste à l’autre monde ;
Un peu moins de deux mois le met dans le cercueil.

DORANTE.

70J’ai su sa mort à Rome, où j’en ai pris le deuil.

CLITON.

Elle a laissé chez vous un diable de ménage :
Ville prise d’assaut n’est pas mieux au pillage ;
La veuve et les cousins, chacun y fait pour soi,
Comme fait un traitant pour les deniers du Roi[1] :
75Où qu’ils jettent la main ils font rafles entières ;
Ils ne pardonnent pas même au plomb des gouttières ;
Et ce sera beaucoup si vous trouvez chez vous,
Quand vous y rentrerez, deux gonds et quatre clous.
J’apprends qu’on vous a vu cependant à Florence.
80Pour vous donner avis je pars en diligence ;
Et je suis étonné qu’en entrant dans Lyon
Je vois courir du peuple avec émotion.
Je veux voir ce que c’est ; et je vois, ce me semble,
Pousser dans la prison quelqu’un qui vous ressemble,
85On m’y permet l’entrée ; et vous trouvant ici[2],
Je trouve en même temps mon voyage accourci.
Voilà mon aventure, apprenez-moi la vôtre.

DORANTE.

La mienne est bien étrange, on me prend pour un autre.

CLITON.

J’eusse osé le gager. Est-ce meurtre ou larcin ?

  1. Var. Comme fait un sergent pour les deniers du Roi. (1645-60)
  2. Var. Je demande d’entrer ; et vous trouvant ici,
    Je trouve avecque vous mon voyage accourci. (1645-56)