Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/329

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LYSE.

Mais vous le recevez, ce me semble, assez bien ?

MÉLISSE.

Comme je ne suis pas en amour des plus fines,
Faute d’autre j’en souffre, et je lui rends ses mines ;
Mais je commence à voir que de tels cajoleurs
470Ne font qu’effaroucher les partis les meilleurs,
Et ne dois plus souffrir qu’avec cette grimace[1]
D’un véritable amant il occupe la place.

LYSE.

Je l’ai vu pour vous voir faire beaucoup de tours.

MÉLISSE.

Qui l’empêche d’entrer, et me voir tous les jours ?
475Cette façon d’agir est-elle plus polie[2] ?
Croit-il…

LYSE.

Croit-il…Les amoureux ont chacun leur folie :
La sienne est de vous voir avec tant de respect,
Qu’il passe pour superbe, et vous devient suspect ;
Et la vôtre, un dégoût de cette retenue,
480Qui vous fait mépriser la personne connue,
Pour donner votre estime, et chercher avec soin
L’amour d’un inconnu, parce qu’il est de loin.


Scène II.

CLÉANDRE, MÉLISSE, LYSE.
CLÉANDRE.

Envers ce prisonnier as-tu fait cette feinte,
Ma sœur ?

  1. Var. Et je m’ennuie enfin qu’avec cette grimace. (1645-56)
  2. Var. Sommes-nous en Espagne, ou bien en Italie ?
    LYSE. Les amoureux, Madame, ont chacun leur folie. (1645-56)