Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/333

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MÉLISSE.

Oui, tu peux te résoudre encore à te crotter.

LYSE.

Quels de vos diamants me faut-il lui porter ?

MÉLISSE.

Mon frère va trop vite ; et sa chaleur l’emporte
560Jusqu’à connoître mal des gens de cette sorte.
Aussi, comme son but est différent du mien,
Je dois prendre un chemin fort éloigné du sien.
Il est reconnoissant, et je suis amoureuse ;
Il a peur d’être ingrat, et je veux être heureuse.
565À force de présents il se croit acquitter ;
Mais le redoublement ne fait que rebuter.
Si le premier oblige un homme de mérite,
Le second l’importune, et le reste l’irrite,
Et passé le besoin, quoi qu’on lui puisse offrir,
570C’est un accablement qu’il ne sauroit souffrir.
L’amour est libéral, mais c’est avec adresse :
Le prix de ses présents est en leur gentillesse ;
Et celui qu’à Dorante exprès tu vas porter,
Je veux qu’il le dérobe au lieu de l’accepter.
575Écoute une pratique assez ingénieuse.

LYSE.

Elle doit être belle et fort mystérieuse.

MÉLISSE.

Au lieu des diamants dont tu viens de parler,
Avec quelques douceurs il faut le régaler,
Entrer sous ce prétexte, et trouver quelque voie
580Par où, sans que j’y sois, tu fasses qu’il me voie :
Porte-lui mon portrait, et comme sans dessein
Fais qu’il puisse aisément le surprendre en ton sein ;
Feins lors pour le ravoir un déplaisir extrême :
S’il le rend, c’en est fait ; s’il le retient, il m’aime.