Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/374

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1350Et sur la remontrance il n’est pas incommode.

MÉLISSE.

Aussi qu’ai-je commis pour en donner sujet ?
Me ranger à son choix sans savoir son projet,
Deviner sa pensée, obéir par avance,
Sont-ce, Lyse, envers lui des crimes d’importance ?

LYSE.

1355Obéir par avance est un jeu délicat,
Dont tout autre que lui feroit un mauvais plat.
Mais ce nouvel amant dont vous faites votre âme
Avec un grand secret ménage votre flamme :
Devoit-il exposer ce portrait à ses yeux ?
Je le tiens indiscret.

MÉLISSE.

1360Je le tiens indiscret.Il n’est que curieux,
Et ne montreroit pas si grande impatience,
S’il me considéroit avec indifférence ;
Outre qu’un tel secret peut souffrir un ami.

LYSE.

Mais un homme qu’à peine il connoît à demi !

MÉLISSE.

1365Mon frère lui doit tant, qu’il a lieu d’en attendre
Tout ce que d’un ami tout autre peut prétendre.

LYSE.

L’amour excuse tout dans un cœur enflammé,
Et tout crime est léger dont l’auteur est aimé.
Je serois plus sévère, et tiens qu’à juste titre
1370Vous lui pouvez tantôt en faire un bon chapitre.

MÉLISSE.

Ne querellons personne, et puisque tout va bien,
De crainte d’avoir pis, ne nous plaignons de rien.

LYSE.

Que vous avez de peur que le marché n’échappe !