Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/47

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Pour rentrer en Égypte étoient un froid secours.
Qu’il ne vante donc plus ses mérites frivoles :
150Les effets de César valent bien ses paroles ;
Et si c’est un bienfait qu’il faut rendre aujourd’hui,
Comme il parla pour vous, vous parlerez pour lui.
Ainsi vous le pouvez et devez reconnoître.
Le recevoir chez vous, c’est recevoir un maître,
155Qui, tout vaincu qu’il est, bravant le nom de roi,
Dans vos propres États vous donneroit la loi.
Fermez-lui donc vos ports, mais épargnez sa tête.
S’il le faut toutefois, ma main est toute prête :
J’obéis avec joie, et je serois jaloux[1]
160Qu’autre bras que le mien portât les premiers coups.

SEPTIME.

Seigneur, je suis Romain : je connois l’un et l’autre[2].
Pompée a besoin d’aide, il vient chercher la vôtre ;
Vous pouvez, comme maître absolu de son sort,
Le servir, le chasser, le livrer vif ou mort.
165Des quatre le premier vous seroit trop funeste ;
Souffrez donc qu’en deux mots j’examine le reste.
Le chasser, c’est vous faire un puissant ennemi,
Sans obliger par là le vainqueur qu’à demi,
Puisque c’est lui laisser et sur mer et sur terre
170La suite d’une longue et difficile guerre,
Dont peut-être tous deux également lassés
Se vengeroient sur vous de tous les maux passés.
Le livrer à César n’est que la même chose :
Il lui pardonnera, s’il faut qu’il en dispose,
175Et s’armant à regret de générosité,
D’une fausse clémence il fera vanité :

    César par Plutarque, où, au lieu de la somme ronde de mille talents, il y a un chiffre assez compliqué, qu’Amyot traduit par un million sept cent cinquante mille écus.

  1. Var. Je sais obéir, Sire, et je serois jaloux. (1644-63)
  2. Var. Sire, je suis Romain : je connois l’un et l’autre. (1644-63)