Aussi bien sous mes pas c’est creuser un abîme,
Que retenir ma main sur la moitié du crime ;
Et te faisant mon roi, c’est trop me négliger,
Que te laisser sur moi père et frère à venger.
Qui se venge à demi court lui-même à sa peine :
Il faut ou condamner ou couronner sa haine[1].
Dût le peuple en fureur pour ses maîtres nouveaux,
De mon sang odieux arroser[2] leurs tombeaux,
Dût le Parthe vengeur me trouver sans défense,
Dût le ciel égaler le supplice à l’offense,
Trône, à t’abandonner je ne puis consentir :
Par un coup de tonnerre il vaut mieux en sortir ;
Il vaut mieux mériter le sort le plus étrange.
Tombe sur moi le ciel, pourvu que je me venge !
J’en recevrai le coup d’un visage remis :
Il est doux de périr après ses ennemis :
Et de quelque rigueur que le destin me traite,
Je perds moins à mourir qu’à vivre leur sujette[3].
Mais voici Laonice : il faut dissimuler
Ce que le seul effet doit bientôt révéler.
- ↑ Var. [Il faut ou condamner ou couronner sa haine :]
Cette sorte de plaie est trop longue à saigner,
Pour en vivre impunie, à moins que de régner.
Régnons donc, aux dépens de l’une et l’autre vie ;
Et dût être leur mort de ma perte suivie,
[Dût le peuple en fureur pour ses maîtres nouveaux (a).] (1647-56)
(a) Dût le peuple en fureur pour ces maîtres nouveaux. (1655)
- ↑ Les éditions antérieures à 1660 donnent toutes arrouser.
- ↑ Var. Mourir est toujours moins que vivre leur sujette. (1647-56)