D’un et d’autre côté l’action est si noire
Que n’en pouvant douter, je n’ose encor la croire.
Ô quiconque des deux avez versé son sang,
Ne vous préparez plus à me percer le flanc !
Nous avons mal servi vos haines mutuelles,
Aux jours l’une de l’autre également cruelles ;
Mais si j’ai refusé ce détestable emploi,
Je veux bien vous servir toutes deux contre moi :
Qui que vous soyez donc, recevez une vie
Que déjà vos fureurs m’ont à demi ravie[1].
Ah ! Seigneur, arrêtez !
Seigneur, que faites-vous ?
Je sers ou l’une ou l’autre, et je préviens ses coups.
Vivez, régnez heureux.
Et montrez-moi la main qu’il faut que je redoute[2],
Qui pour m’assassiner ose me secourir,
Et me sauve de moi pour me faire périr.
Puis-je vivre et traîner cette gêne éternelle[3],
Confondre l’innocente avec la criminelle,
Vivre et ne pouvoir plus vous voir sans m’alarmer,
Vous craindre toutes deux, toutes deux vous aimer ?
Vivre avec ce tourment, c’est mourir à toute heure,
- ↑ Après ce vers, l’édition de 1692 ajoute ce jeu de scène, que Voltaire
donne aussi dans la sienne : Il tire son épée et veut se tuer. - ↑ Var. Et me montrez la main qu’il faut que je redoute. (1647-66)
- ↑ Var. Puis-je vivre et traîner le soupçon qui m’accable,
Confondre l’innocente avecque la coupable. (1647-56)