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ACTE II.


Scène première[1].

CLÉOPATRE, CHARMION.
CLÉOPATRE.

Je l’aime ; mais l’éclat d’une si belle flamme,
Quelque brillant qu’il soit, n’éblouit point mon âme,
Et toujours ma vertu retrace dans mon cœur
360Ce qu’il doit au vaincu, brûlant pour le vainqueur.
Aussi qui l’ose aimer porte une âme trop haute
Pour souffrir seulement le soupçon d’une faute ;
Et je le traiterois avec indignité,
Si j’aspirois à lui par une lâcheté.

CHARMION.

365Quoi ? vous aimez César, et si vous étiez crue,
L’Égypte pour Pompée armeroit à sa vue,
En prendroit la défense, et par un prompt secours
Du destin de Pharsale arrêteroit le cours !
L’amour certes sur vous a bien peu de puissance.

CLÉOPATRE.

370Les princes ont cela de leur haute naissance :
Leur âme dans leur sang prend des impressions
Qui dessous leur vertu rangent leurs passions.
Leur générosité soumet tout à leur gloire[2] :
Tout est illustre en eux quand ils daignent se croire[3] ;

  1. Voyez ci-dessus l’Examen, p. 24.
  2. Var. Leur générosité soumet tout à la gloire. (1656)
  3. Var. Tout est illustre en eux quand ils osent se croire. (1644-56)