Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/63

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Il ne semble implorer son aide ou sa vengeance.
Aucun gémissement à son cœur échappé
520Ne le montre, en mourant, digne d’être frappé :
Immobile à leurs coups, en lui-même il rappelle[1]
Ce qu’eut de beau sa vie, et ce qu’on dira d’elle ;
Et tient la trahison que le roi leur prescrit
Trop au-dessous de lui pour y prêter l’esprit.
525Sa vertu dans leur crime augmente ainsi son lustre ;
Et son dernier soupir est un soupir illustre,
Qui de cette grande âme achevant les destins,
Étale tout Pompée aux yeux des assassins.
Sur les bords de l’esquif sa tête enfin penchée[2],
530Par le traître Septime indignement tranchée,
Passe au bout d’une lance en la main d’Achillas,
Ainsi qu’un grand trophée après de grands combats.
On descend, et pour comble à sa noire aventure[3]
On donne à ce héros la mer pour sépulture,
535Et le tronc sous les flots roule dorénavant
Au gré de la fortune, et de l’onde, et du vent.
La triste Cornélie, à cet affreux spectacle[4],
Par de longs cris aigus tâche d’y mettre obstacle,
Défend ce cher époux de la voix et des yeux,
540Puis n’espérant plus rien, lève les mains aux cieux ;
Et cédant tout à coup à la douleur plus forte,
Tombe, dans sa galère, évanouie ou morte.
Les siens en ce désastre, à force de ramer,

  1. Var. Immobile en leurs coups, en lui-même il rappelle. (1648-56)
  2. Var. Sa tête, sur les bords de la barque penchée. (1644-64)
  3. Var. Et pour combler enfin sa tragique aventure. (1644-64).
  4. Var. À ce spectacle affreux, la pauvre Cornélie…
    CLÉOP. Dieux ! en quels déplaisirs est-elle ensevelie ?
    ACHOR. Ayant toujours suivi ce cher époux des yeux,
    Je l’ai vue élever ses tristes mains aux cieux ;
    Puis cédant aussitôt à la douleur plus forte,
    Tomber, dans sa galère, évanouie ou morte. (1644-56)