Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/65

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Plaignons-les, et par eux jugeons ce que nous sommes.
575Ce prince d’un sénat maître de l’univers,
Dont le bonheur sembloit au-dessus du revers[1],
Lui que sa Rome a vu plus craint que le tonnerre,
Triompher en trois fois des trois parts de la terre,
Et qui voyoit encore en ces derniers hasards
580L’un et l’autre consul suivre ses étendards ;
Sitôt que d’un malheur sa fortune est suivie,
Les monstres de l’Égypte ordonnent de sa vie.
On voit un Achillas, un Septime, un Photin,
Arbitres souverains d’un si noble destin ;
585Un roi qui de ses mains a reçu la couronne
À ces pestes de cour lâchement l’abandonne.
Ainsi finit Pompée ; et peut-être qu’un jour
César éprouvera même sort à son tour.
Rendez l’augure faux, Dieux qui voyez mes larmes,
590Et secondez partout et mes vœux et ses armes !

CHARMION.

Madame, le Roi vient, qui pourra vous ouïr.


Scène III.

PTOLOMÉE, CLÉOPATRE, CHARMION.
PTOLOMÉE.

Savez-vous le bonheur dont nous allons jouir,
Ma sœur ?

CLÉOPATRE.

Ma sœur ?Oui, je le sais, le grand César arrive :
Sous les lois de Photin je ne suis plus captive.

PTOLOMÉE.

595Vous haïssez toujours ce fidèle sujet ?

  1. Var. De qui l’heur sembloit être au-dessus du revers. (1644-68)