Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Par Juba, Scipion et les jeunes Pompées ;
Et le monde à ses lois n’est point assujetti,
Tant qu’il verra durer ces restes du parti.
Au sortir de Pharsale un si grand capitaine
690Sauroit mal son métier s’il laissoit prendre haleine,
Et s’il donnoit loisir à des cœurs si hardis
De relever du coup dont ils sont étourdis.
S’il les vainc, s’il parvient où son desir aspire,
Il faut qu’il aille à Rome établir son empire,
695Jouir de sa fortune et de son attentat,
Et changer à son gré la forme de l’État.
Jugez durant ce temps ce que vous pourrez faire.
Seigneur, voyez César, forcez-vous à lui plaire[1] ;
Et lui déférant tout, veuillez vous souvenir
700Que les événements régleront l’avenir.
Remettez en ses mains trône, sceptre, couronne,
Et sans en murmurer, souffrez qu’il en ordonne :
Il en croira sans doute ordonner justement,
En suivant du feu roi l’ordre et le testament[2] ;
705L’importance d’ailleurs de ce dernier service
Ne permet pas d’en craindre une entière injustice.
Quoi qu’il en fasse enfin, feignez d’y consentir,
Louez son jugement, et laissez-le partir[3].
Après, quand nous verrons le temps propre aux vengeances,
710Nous aurons et la force et les intelligences.
Jusque-là réprimez ces transports violents
Qu’excitent d’une sœur les mépris insolents :

  1. Var. Sire, voyez César, forcez-vous à lui plaire. (1644-63)
  2. Avant sa mort, Ptolémée Aulétès avait envoyé son testament à Rome. Pompée en fut le dépositaire. Il y disposait de son trône en faveur de son fils aîné, le Ptolémée de notre tragédie, et de sa fille aînée Cléopatre, à la condition qu’ils se marieraient, quand ils auraient l’âge convenable, et régneraient ensemble.
  3. Var. Louez son jugement, et le laissez partir. (1644-56)