Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/85

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Jusqu’à lui faire aux Dieux pardonner sa défaite ;
1055Il eût fait à son tour, en me rendant son cœur,
Que Rome eût pardonné la victoire au vainqueur.
Mais puisque par sa perte, à jamais sans seconde,
Le sort a dérobé cette allégresse au monde,
César s’efforcera de s’acquitter vers vous
1060De ce qu’il voudroit rendre à cet illustre époux.
Prenez donc en ces lieux liberté toute entière :
Seulement pour deux jours soyez ma prisonnière,
Afin d’être témoin comme après nos débats
Je chéris sa mémoire et venge son trépas,
1065Et de pouvoir apprendre à toute l’Italie
De quel orgueil nouveau m’enfle la Thessalie.
Je vous laisse à vous-même et vous quitte un moment.
Choisissez-lui, Lépide, un digne appartement ;
Et qu’on l’honore ici, mais en dame romaine,
1070C’est-à-dire un peu plus qu’on n’honore la reine.
Commandez, et chacun aura soin d’obéir.

CORNÉLIE.

Ô ciel, que de vertus vous me faites haïr[1] !

FIN DU TROISIÈME ACTE.
  1. « Me sera-t-il permis de rapporter ici que Mlle de Lenclos, pressée de se rendre aux offres d’un grand seigneur qu’elle n’aimait point, et dont on lui vantait la probité et le mérite, répondit :
    Ô ciel, que de vertus vous me faites haïr !
    C’est le privilége des beaux vers d’être cités en toute occasion, et c’est ce qui n’arrive jamais à la prose. » (Voltaire.)