Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/89

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Par où fort aisément on les peut cette nuit
Jusque dans le palais introduire sans bruit ;
Car contre sa fortune aller à force ouverte,
1150Ce seroit trop courir vous-même à votre perte.
Il nous le faut surprendre au milieu du festin,
Enivré des douceurs de l’amour et du vin.
Tout le peuple est pour nous. Tantôt, à son entrée,
J’ai remarqué l’horreur que ce peuple a montrée[1]
1155Lorsque avec tant de fast[2] il a vu ses faisceaux
Marcher arrogamment et braver nos drapeaux ;
Au spectacle insolent de ce pompeux outrage
Ses farouches regards étinceloient de rage :
Je voyois sa fureur à peine se dompter ;
1160Et pour peu qu’on le pousse, il est prêt d’éclater ;
Mais surtout les Romains que commandoit Septime,
Pressés de la terreur que sa mort leur imprime,
Ne cherchent qu’à venger par un coup généreux
Le mépris qu’en leur chef ce superbe a fait d’eux.

PTOLOMÉE.

1165Mais qui pourra de nous approcher sa personne,
Si durant le festin sa garde l’environne ?

PHOTIN.

Les gens de Cornélie, entre qui vos Romains
Ont déjà reconnu des frères, des germains,
Dont l’âpre déplaisir leur a laissé paroître
1170Une soif d’immoler leur tyran à leur maître :
Ils ont donné parole, et peuvent, mieux que nous,
Dans les flancs de César porter les premiers coups.
Son faux art de clémence, ou plutôt sa folie,
Qui pense gagner Rome en flattant Cornélie,
1175Leur donnera sans doute un assez libre accès

  1. Var. J’ai remarqué l’horreur qu’il a soudain montrée. (1644-56)
  2. Voyez tome I, p. v de l’Avertissement, en note.