Ta mort est résolue, on la jure, on l’apprête ;
À celle de Pompée on veut joindre ta tête.
Prends-y garde, César, ou ton sang répandu
Bientôt parmi le sien se verra confondu.
Mes esclaves en sont ; apprends de leurs indices
L’auteur de l’attentat, et l’ordre, et les complices :
Je te les abandonne.
Et digne du héros qui vous donna la main !
Ses mânes, qui du ciel ont vu de quel courage
Je préparois la mienne à venger son outrage,
Mettant leur haine bas, me sauvent aujourd’hui
Par la moitié qu’en terre il nous laisse de lui[1].
Il vit, il vit encore en l’objet de sa flamme,
Il parle par sa bouche, il agit dans son âme ;
Il la pousse, et l’oppose à cette indignité,
Pour me vaincre par elle en générosité.
Tu te flattes, César, de mettre en ta croyance
Que la haine ait fait place à la reconnoissance :
Ne le présume plus ; le sang de mon époux
A rompu pour jamais tout commerce entre nous.
J’attends la liberté qu’ici tu m’as offerte,
Afin de l’employer toute entière à ta perte ;
Et je te chercherai partout des ennemis,
Si tu m’oses tenir ce que tu m’as promis.
Mais avec cette soif que j’ai de ta ruine,
Je me jette au-devant du coup qui t’assassine,
Et forme des desirs avec trop de raison
Pour en aimer l’effet par une trahison :
- ↑ Var. Par la moitié qu’en terre il a laissé de lui.
Quoi que la perfidie ait osé sur sa trame,
Il vit encore en vous, il agit dans votre âme. (1644-56)