Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/214

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À la nécessité qu’il voyait de mourir.
Je goûtais cette joie en un sort si contraire.
Je l’aimai comme amant, je l’aime comme frère ;
Et dans ce grand revers je l’ai vu hautement
Digne d’être mon frère, et d’être mon amant.

Phocas

Explique, explique mieux le fond de ta pensée,
Et, sans plus te parer d’une vertu forcée,
Pour apaiser le père, offre le cœur au fils,
Et tâche à racheter ce cher frère à ce prix.

Pulcherie

Crois-tu que sur la foi de tes fausses promesses
Mon âme ose descendre à de telles bassesses ?
Prends mon sang pour le sien, mais, s’il y faut mon cœur,
Périsse Héraclius avec sa triste sœur !

Phocas

Eh bien, il va périr ; ta haine en est complice.

Pulchérie

Et je verrai du ciel bientôt choir ton supplice :
Dieu, pour le réserver à ses puissantes mains,
Fait avorter exprès tous les moyens humains ;
Il veut frapper le coup sans notre ministère ;
Si l’on t’a bien donné Léonce pour mon frère,
Les quatre autres peut-être, à tes yeux abusés,
Ont été comme lui des Césars supposés.
L’Etat, qui, dans leur mort, voyait trop sa ruine,
Avait des généreux autres que Léontine ;
Ils trompaient d’un barbare aisément la fureur,
Qui n’avait jamais vu la cour ni l’empereur.
Crains, tyran, crains encor : tous les quatre peut-être
L’un après l’autre enfin se vont faire paraître,
Et malgré tous tes soins, malgré tout ton effort,
Tu ne les connaîtras qu’en recevant la mort.
Moi-même, à leur défaut, je serai la conquête