Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Prit Martianpour elle, et me mit en sa place ;
Ce zèle en ma faveur lui succéda si bien,
Que vous-même au retour vous n’en connûtes rien,
Et ces informes traits qu’à six mois a l’enfance
Ayant mis entre nous fort peu de différence,
Le faible souvenir en trois ans s’en perdit.
Vous prîtes aisément ce qu’elle vous rendit;
Vous vécûmes tous deux sous le nom l’un de l’autre,
Il passa pour son fils, je passai pour le vôtre,
Et je ne jugeais pas ce chemin criminel
Pour remonter sans meurtre au trône paternel.
Mais voyant cette erreur fatale à cette vie
Sans qui déjà la mienne aurait été ravie,
Je me croirais, Seigneur, coupable infiniment,
Si je souffrais encore un tel aveuglement:
Je viens reprendre un nom qui seul a fait son crime;
Conservez votre haine, et changez de victime.
Je ne demande rien que ce qui m’est promis :
Perdez Héraclius, et sauvez votre fils.

Martian

Admire de quel fils le ciel t’a fait le père,
Admire quel effort sa vertu vient de faire,
Tyran, et ne prends pas pour une vérité
Ce qu’invente pour moi sa générosité.

à Héraclius

C’est trop, Prince, c’est trop pour ce petit service
Dont honora mon bras ma fortune propice :
Je vous sauvai la vie, et ne la perdis pas,