Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/439

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Que par obéissance à vos commandements.
Ce n’est point ni son choix ni l’éclat de ma race
Qui me font, grande reine, espérer cette grâce :
Je l’attends de vous seule et de votre bonté,
Comme on attend un bien qu’on n’a pas mérité,
Et dont, sans regarder service, ni famille,
Vous pouvez faire part au moindre de Castille.
C’est à nous d’obéir, et non d’en murmurer ;
Mais vous nous permettrez toutefois d’espérer
Que vous ne ferez choir cette faveur insigne,
Ce bonheur d’être à vous, que sur le moins indigne ;
Et que votre vertu vous fera trop savoir
Qu’il n’est pas bon d’user de tout votre pouvoir.
Voilà mon sentiment.

DONA ISABELLE

Parlez, vous, Dom Manrique.

DOM MANRIQUE

Madame, puisqu’il faut qu’à vos yeux je m’explique,
Quoique votre discours nous ait fait des leçons
Capables d’ouvrir l’âme à de justes soupçons,
Je vous dirai pourtant, comme à ma souveraine,
Que pour faire un vrai roi vous le fassiez en reine,
Que vous laisser borner, c’est vous-même affaiblir
La dignité du rang qui le doit ennoblir ;
Et qu’à prendre pour loi le choix qu’on vous propose,
Le roi que vous feriez vous devrait peu de chose,
Puisqu’il tiendrait les noms de monarque et d’époux
Du choix de vos états aussi bien que de vous.
Pour moi, qui vous aimai sans sceptre et sans couronne,
Qui n’ai jamais eu d’yeux que pour votre personne,
Que même le feu roi daigna considérer