Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/448

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Les rois de leurs faveurs ne sont jamais comptables ;
Ils font, comme il leur plaît, et défont nos semblables.

DOM MANRIQUE

Envers les majestés vous êtes bien discret.
Voyez-vous cependant qu’elle l’aime en secret ?

DOM ALVAR

Dites, si vous voulez, qu’ils sont d’intelligence,
Qu’elle a de sa valeur si haute confiance,
Qu’elle espère par là faire approuver son choix,
Et se rendre avec gloire au vainqueur de tous trois,
Qu’elle nous hait dans l’âme autant qu’elle l’adore :
C’est à nous d’honorer ce que la reine honore.

DOM MANRIQUE

Vous la respectez fort ; mais y prétendez-vous ?
On dit que l’Aragon a des charmes si doux…

DOM ALVAR

Qu’ils me soient doux ou non, je ne crois pas sans crime
Pouvoir de mon pays désavouer l’estime ;
Et puisqu’il m’a jugé digne d’être son roi,
Je soutiendrai partout l’état qu’il fait de moi.
Je vais donc disputer, sans que rien me retarde,
Au marquis Dom Carlos cet anneau qu’il nous garde ;
Et si sur sa valeur je le puis emporter,
J’attendrai de vous deux qui voudra me l’ôter :
Le champ vous sera libre.

DOM LOPE

À la bonne heure, comte ;
Nous vous irons alors le disputer sans honte :
Nous ne dédaignons point un si digne rival ;
Mais pour votre marquis, qu’il cherche son égal.

ACTE I



Scène 1