Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/453

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Qu’elle ne puisse aller jusqu’à votre mérite,
S’il vous en reste encore quelque autre à souhaiter,
Parlez, et donnez-moi moyen de m’acquitter.

CARLOS

Après tant de faveurs à pleines mains versées,
Dont mon cœur n’eût osé concevoir les pensées,
Surpris, troublé, confus, accablé de bienfaits,
Que j’osasse former encore quelques souhaits !

DONA ISABELLE

Vous êtes donc content ; et j’ai lieu de me plaindre.

CARLOS

De moi ?

DONA ISABELLE

De vous, marquis. Je vous parle sans feindre :
écoutez. Votre bras a bien servi l’état,
Tant que vous n’avez eu que le nom de soldat ;
Dès que je vous fais grand, sitôt que je vous donne
Le droit de disposer de ma propre personne,
Ce même bras s’apprête à troubler son repos,
Comme si le marquis cessait d’être Carlos,
Ou que cette grandeur ne fût qu’un avantage
Qui dût à sa ruine armer votre courage.
Les trois comtes en sont les plus fermes soutiens :
Vous attaquez en eux ses appuis et les miens ;
C’est son sang le plus pur que vous voulez répandre ;
Et vous pouvez juger l’honneur qu’on leur doit rendre,
Puisque ce même état, me demandant un roi,
Les a jugés eux trois les plus dignes de moi.
Peut-être un peu d’orgueil vous a mis dans la tête
Qu’à venger leur mépris ce prétexte est honnête :
Vous en avez suivi la première chaleur ;
Mais leur mépris va-t-il jusqu’à votre valeur ?