Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/477

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Car enfin il l’a vue, et la connaît trop bien ;
Mais il aspire au trône, et ce n’est pas au mien ;
Il me préfère une autre, et cette préférence
forme de son respect la trompeuse apparence :
faux respect qui me brave, et veut régner sans moi !

BLANCHE

Pour aimer Dona Elvire, il n’est pas encore roi.

DONA ISABELLE

Elle est reine, et peut tout sur l’esprit de sa mère.

BLANCHE

Si ce n’est un faux bruit, le ciel lui rend un frère.
Don Sanche n’est point mort, et vient ici, dit-on,
Avec les députés qu’on attend d’Aragon :
C’est ce qu’en arrivant leurs gens ont fait entendre.

DONA ISABELLE

Blanche, s’il est ainsi, que d’heur j’en dois attendre !
L’injustice du ciel, faute d’autres objets,
Me forçait d’abaisser mes yeux sur mes sujets,
Ne voyant point de prince égal à ma naissance,
Qui ne fût sous l’hymen, ou More, ou dans l’enfance ;
Mais s’il lui rend un frère, il m’envoie un époux.
Comtes, je n’ai plus d’yeux pour Carlos ni pour vous ;
Et devenant par là reine de ma rivale,
J’aurai droit d’empêcher qu’elle ne se ravale,
Et ne souffrirai pas qu’elle ait plus de bonheur
Que ne m’en ont permis ces tristes lois d’honneur.

BLANCHE

La belle occasion que votre jalousie,
Douteuse encore qu’elle est, a promptement saisie !