Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/483

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DOM LOPE

Prince, ne cachez plus ce que le ciel découvre ;
Ne fermez pas nos yeux quand sa main nous les ouvre.
Vous devez être las de nous faire faillir.
Nous ignorons quel fruit vous en vouliez cueillir,
Mais nous avions pour vous une estime assez haute
Pour n’être pas forcés à commettre une faute ;
Et notre honneur, au vôtre en aveugle opposé,
Méritait par pitié d’être désabusé.
Notre orgueil n’est pas tel qu’il s’attache aux personnes,
Ou qu’il ose oublier ce qu’il doit aux couronnes ;
Et s’il n’a pas eu d’yeux pour un roi déguisé,
Si l’inconnu Carlos s’en est vu méprisé,
Nous respectons Dom Sanche, et l’acceptons pour maître,
Sitôt qu’à notre reine il se fera connaître ;
Et sans doute son cœur nous en avouera bien.
Hâtez cette union de votre sceptre au sien,
Seigneur, et d’un soldat quittant la fausse image,
Recevez, comme roi, notre premier hommage.

CARLOS

Comtes, ces faux respects dont je me vois surpris
Sont plus injurieux encore que vos mépris.
Je pense avoir rendu mon nom assez illustre
Pour n’avoir pas besoin qu’on lui donne un faux lustre.
Reprenez vos honneurs où je n’ai point de part.
J’imputais ce faux bruit aux fureurs du hasard,
Et doutais qu’il pût être une âme assez hardie
Pour ériger Carlos en roi de comédie ;
Mais puisque c’est un jeu de votre belle humeur,
Sachez que les vaillants honorent la valeur,
Et que tous vos pareils auraient quelque scrupule
À faire de la mienne un éclat ridicule.
Si c’est votre dessein d’en réjouir ces lieux,
Quand vous m’aurez vaincu vous me raillerez mieux :