Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/484

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


La raillerie est belle après une victoire ;
On la fait avec grâce aussi bien qu’avec gloire.
Mais vous précipitez un peu trop ce dessein :
La bague de la reine est encore en ma main ;
Et l’inconnu Carlos, sans nommer sa famille,
Vous sert encore d’obstacle au trône de Castille.
Ce bras, qui vous sauva de la captivité,
Peut s’opposer encore à votre avidité.

DOM MANRIQUE

Pour n’être que Carlos, vous parlez bien en maître,
Et tranchez bien du prince en déniant de l’être.
Si nous avons tantôt jusqu’au bout défendu
L’honneur qu’à notre rang nous voyions être dû,
Nous saurons bien encore jusqu’au bout le défendre ;
Mais ce que nous devons, nous aimons à le rendre.
Que vous soyez Dom Sanche, ou qu’un autre le soit,
L’un et l’autre de nous lui rendra ce qu’il doit.
Pour le nouveau marquis, quoique l’honneur l’irrite,
Qu’il sache qu’on l’honore autant qu’il le mérite ;
Mais que, pour nous combattre, il faut que le bon sang
Aide un peu sa valeur à soutenir ce rang.
Qu’il n’y prétende point, à moins qu’il se déclare ;
Non que nous demandions qu’il soit Guzman ou Lare :
Qu’il soit noble, il suffit pour nous traiter d’égal ;
Nous le verrons tous deux comme un digne rival ;
Et si Dom Sanche enfin n’est qu’une attente vaine,
Nous lui disputerons cet anneau de la reine.
Qu’il souffre cependant, quoique brave guerrier,
Que notre bras dédaigne un simple aventurier.
Nous vous laissons, madame, éclaircir ce mystère.
Le sang a des secrets qu’entend mieux une mère ;