Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/485

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Et dans les différends qu’avec lui nous avons,
Nous craignons d’oublier ce que nous vous devons.



Scène 3



CARLOS

Madame, vous voyez comme l’orgueil me traite :
Pour me faire un honneur, on veut que je l’achète ;
Mais s’il faut qu’il m’en coûte un secret de vingt ans,
Cet anneau dans mes mains pourra briller longtemps.

DONA LÉONOR

Laissons là ce combat, et parlons de Dom Sanche.
Ce bruit est grand pour vous, toute la cour y penche :
De grâce, dites-moi, vous connaissez-vous bien ?

CARLOS

Plût à Dieu qu’en mon sort je ne connusse rien !
Si j’étais quelque enfant épargné des tempêtes,
Livré dans un désert à la merci des bêtes,
Exposé par la crainte ou par l’inimitié,
Rencontré par hasard et nourri par pitié,
Mon orgueil à ce bruit prendrait quelque espérance
Sur votre incertitude et sur mon ignorance ;
Je me figurerais ces destins merveilleux,
Qui tiraient du néant les héros fabuleux,
Et me revêtirais des brillantes chimères
Qu’osa former pour eux le loisir de nos pères ;
Car enfin je suis vain, et mon ambition
Ne peut s’examiner sans indignation ;
Je ne puis regarder sceptre ni diadème,
Qu’ils n’emportent mon âme au delà d’elle-même :
Inutiles élans d’un vol impétueux
Que pousse vers le ciel un cœur présomptueux,