Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/541

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grâces aux dieux, doucement amené.
Il vient s’en plaindre au roi, lui demander justice ;
Et sa plainte le jette au bord du précipice.
Sans prendre aucun souci de m’en justifier,
Je saurai m’en servir à me fortifier.
Tantôt en le voyant j’ai fait de l’effrayée,
J’ai changé de couleur, je me suis écriée ;
Il a cru me surprendre et l’a cru bien en vain,
Puisque son retour même est l’œuvre de ma main.

Cléone. Biais, quoi que Rome fasse et qu’Attale prétende,
Le moyen qu’à ses yeux Laodice se rende ?

Arsinoé. Et je n’engage aussi mon fils en cet amour
Qu’à dessein d’éblouir le roi, Rome et la cour.
Je n’en veux pas, Cléone, au sceptre d’Arménie ;
Je cherche à m’assurer celui de Bithynie ;
Et si ce diadème une fois est à nous,
Que cette reine après se choisisse un époux.
Je ne la vais presser que pour la voir rebelle,
Que pour aigrir les cœurs de son amant et d’elle.
Le roi, que le Romain poussera vivement,
De peur d’offenser Rome agira chaudement ;
Et ce prince, piqué d’une juste colère,
S’emportera sans doute et bravera son père.
S’il est prompt et bouillant, le roi ne l’est pas moins ;
Et comme à l’échauffer j’appliquerai mes soins,
Pour peu qu’à de tels coups cet amant soit sensible,
Mon entreprise est sûre et sa perte infaillible.
Voilà mon cœur ouvert et tout ce qu’il prétend.