Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 5.djvu/548

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Nicomède. Jai failli, je l’avoue ; et mon cœur imprudent
A trop cru les transports d’un désir trop ardent :
L’amour que j’ai pour vous a commis cette offense ;
Lui seul à mon devoir fait cette violence.
Si le bien de vous voir m’était moins précieux,
Je serais innocent, mais si loin de vos yeux,
Que j’aime mieux, seigneur, en perdre un peu d’estime,
Et qu’un bonheur si grand me coûte un petit crime,
Qui ne craindra jamais la plus sévère loi,
Si l’amour juge en vous ce qu’il a fait en moi.

Prusias. La plus mauvaise excuse est assez pour un père,
Et sous le nom d’un fils toute faute est légère :
Je ne veux voir en vous que mon unique appui.
Recevez tout l’honneur qu’on vous doit aujourd’hui.
L’ambassadeur romain me demande audience :
Il verra ce qu’en vous je prends de confiance ;
Vous l’écouterez, prince, et répondrez pour moi.
Vous êtes aussi bien le véritable roi,
Je n’en suis plus que l’ombre, et l’âge ne m’en laisse
Qu’un vain titre d’honneur qu’on rend à ma vieillesse,
Je n’ai plus que deux jours peut-être à le garder.
L’intérêt de l’Etat vous doit seul regarder ;
Prenez-en aujourd’hui la marque la plus haute :
Mais gardez-vous aussi d’oublier votre faute ;
Et comme elle fait brèche au pouvoir souverain,
Pour la bien réparer retournez dès demain.
Remettez en éclat la puissance absolue ;
Attendez-la de moi comme je l’ai reçue,
Inviolable, entière ; et n’autorisez pas
De plus méchants que vous à la mettre plus bas.