Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/185

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C’est trop nous asservir ces majestés suprêmes.


Jocaste.

Ma fille, il est toujours assez tôt de mourir.


Dircé.

Madame, il n’est jamais trop tôt de secourir ;
Et pour un mal si grand qui réclame notre aide,
Il n’est point de trop sûr ni de trop prompt remède.
Plus nous le différons, plus ce mal devient grand.
J’assassine tous ceux que la peste surprend ;
Aucun n’en peut mourir qui ne me laisse un crime :
Je viens d’étouffer seule et Sostrate et Phaedime ;
Et durant ce refus des remèdes offerts,
La Parque se prévaut des moments que je perds.
Hélas ! Si sa fureur dans ces pertes publiques
Enveloppait Thésée après ses domestiques !
Si nos retardements…


Jocaste.

Vivez pour lui, Dircé :
Ne lui dérobez point un cœur si bien placé.
Avec tant de courage ayez quelque tendresse ;
Agissez en amante aussi bien qu’en princesse.
Vous avez liberté toute entière en ces lieux :
Le roi n’y prend pas garde, et je ferme les yeux.
C’est vous en dire assez : l’amour est un doux maître ;
Et quand son choix est beau, son ardeur doit paraître.


Dircé.

Je n’ose demander si de pareils avis
Portent des sentiments que vous ayez suivis.
Votre second hymen put avoir d’autres causes ;
Mais j’oserai vous dire, à bien juger des choses,