Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Où par raison d’état il me voit destinée ;
Il la fait glorieuse, et je meurs plus pour moi
Que pour ces malheureux qui se sont fait un roi.
Le ciel en ma faveur prend ce cher interprète,
Pour m’épargner l’affront de vivre encor sujette ;
Et s’il a quelque foudre, il saura le garder
Pour qui m’a fait des lois où j’ai dû commander.


Jocaste.

Souffrez qu’à ses éclairs votre orgueil se dissipe :
Ce foudre vous menace un peu plus tôt qu’Œdipe ;
Et le roi n’a pas lieu d’en redouter les coups,
Quand parmi tout son peuple ils n’ont choisi que vous.


Dircé.

Madame, il se peut faire encor qu’il me prévienne :
S’il sait ma destinée, il ignore la sienne ;
Le ciel pourra venger ses ordres retardés.
Craignez ce changement que vous lui demandez.
Souvent on l’entend mal quand on le croit entendre :
L’oracle le plus clair se fait le moins comprendre.
Moi-même je le dis sans comprendre pourquoi ;
Et ce discours en l’air m’échappe malgré moi.
Pardonnez cependant à cette humeur hautaine :
Je veux parler en fille, et je m’explique en reine.
Vous qui l’êtes encor, vous savez ce que c’est,
Et jusqu’où nous emporte un si haut intérêt.
Si je n’en ai le rang, j’en garde la teinture.
Le trône a d’autres droits que ceux de la nature.
J’en parle trop peut-être alors qu’il faut mourir.
Hâtons-nous d’empêcher ce peuple de périr ;
Et sans considérer quel fut vers moi son crime,
Puisque le ciel le veut, donnons-lui sa victime.


Jocaste.

Demain ce juste ciel pourra s’expliquer mieux.