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ACTE IV


Scène première

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Dircé.

Oui, déjà sur ce bruit l’amour m’avait flattée :
Mon âme avec plaisir s’était inquiétée ;
Et ce jaloux honneur qui ne consentait pas
Qu’un frère me ravît un glorieux trépas,
Après cette douceur fièrement refusée,
Ne me refusait point de vivre pour Thésée,
Et laissait doucement corrompre sa fierté
À l’espoir renaissant de ma perplexité.
Mais si je vois en vous ce déplorable frère,
Quelle faveur du ciel voulez-vous que j’espère,
S’il n’est pas en sa main de m’arrêter au jour
Sans faire soulever et l’honneur et l’amour ?
S’il dédaigne mon sang, il accepte le vôtre ;
Et si quelque miracle épargne l’un et l’autre,
Pourra-t-il détacher de mon sort le plus doux
L’amertume de vivre, et n’être point à vous ?


Thésée.

Le ciel choisit souvent de secrètes conduites
Qu’on ne peut démêler qu’après de longues suites ;
Et de mon sort douteux l’obscur événement
Ne défend pas l’espoir d’un second changement.
Je chéris ce premier qui vous est salutaire.
Je ne puis en amant ce que je puis en frère ;