Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/212

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Thésée.

Demain chacun de nous fera sa destinée.



Scène V

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Jocaste.

Que de maux nous promet cette triste journée !
J’y dois voir ou ma fille ou mon fils s’immoler,
Tout le sang de ce fils de votre main couler,
Ou de la sienne enfin le vôtre se répandre ;
Et ce qu’oracle aucun n’a fait encore attendre,
Rien ne m’affranchira de voir sans cesse en vous,
Sans cesse en un mari, l’assassin d’un époux.
Puis-je plaindre à ce mort la lumière ravie,
Sans haïr le vivant, sans détester ma vie ?
Puis-je de ce vivant plaindre l’aveugle sort,
Sans détester ma vie et sans trahir le mort ?


Œdipe.

Madame, votre haine est pour moi légitime ;
Et cet aveugle sort m’a fait vers vous un crime,
Dont ce prince demain me punira pour vous,
Ou mon bras vengera ce fils et cet époux ;
Et m’offrant pour victime à votre inquiétude,
Il vous affranchira de toute ingratitude.
Alors sans balancer vous plaindrez tous les deux,
Vous verrez sans rougir alors vos derniers feux,
Et permettrez sans honte à vos douleurs pressantes
Pour Laïus et pour moi des larmes innocentes.


Jocaste.

Ah ! Seigneur, quelque bras qui puisse vous punir,
Il n’effacera rien dedans mon souvenir :
Je vous verrai toujours, sa couronne à la tête,