Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/216

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ACTE V


Scène première

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Dymas.

Seigneur, il est trop vrai que le peuple murmure,
Qu’il rejette sur vous sa funeste aventure,
Et que de tous côtés on n’entend que mutins
Qui vous nomment l’auteur de leurs mauvais destins.
D’un devin suborné les infâmes prestiges
De l’ombre, disent-ils, ont fait tous les prodiges :
L’or mouvait ce fantôme ; et pour perdre Dircé,
Vos présents lui dictaient ce qu’il a prononcé :
Tant ils conçoivent mal qu’un si grand roi consente
À venger son trépas sur sa race innocente,
Qu’il assure son sceptre, aux dépens de son sang,
À ce bras impuni qui lui perça le flanc,
Et que par cet injuste et cruel sacrifice,
Lui-même de sa mort il se fasse justice !


Œdipe.

Ils ont quelque raison de tenir pour suspect
Tout ce qui s’est montré tantôt à leur aspect ;
Et je n’ose blâmer cette horreur que leur donne
L’assassin de leur roi qui porte sa couronne.
Moi-même, au fond du cœur, de même horreur frappé,
Je veux fuir le remords de son trône occupé ;
Et je dois cette grâce à l’amour de la reine,
D’épargner ma présence aux devoirs de sa haine,