La veuve de Phryxus et la fille d’Aæte
Plaint-elle de Persès la honte et la défaite ?
Vous faut-il consoler de ces illustres coups
Qui partent d’un héros parent de votre époux ?
Et le vaillant Jason pourroit-il vous déplaire
Alors que dans son trône il rétablit mon père ?
Vous m’offensez, ma sœur : celles de notre rang
Ne savent point trahir leur pays[1] ni leur sang ;
Et j’ai vu les combats de Persès et d’Aæte
Toujours avec des yeux de fille et de sujette.
Si mon front porte empreints quelques troubles secrets,
Sachez que je n’en ai que pour vos intérêts.
J’aime autant que je dois cette haute victoire :
Je veux bien que Jason en ait toute la gloire ;
Mais à tout dire enfin, je crains que ce vainqueur
N’en étende les droits jusque sur votre cœur.
Je sais que sa brigade, à peine descendue,
Rétablit à nos yeux la bataille perdue,
Que Persès triomphoit, que Styrus étoit mort,
Styrus que pour époux vous envoyoit le sort[2],
Jason de tant de maux borna soudain la course :
Il en dompta la force, il en tarit la source ;
Mais avouez aussi qu’un héros si charmant
Vous console bientôt de la mort d’un amant.
L’éclat qu’a répandu le bonheur de ses armes
À vos yeux éblouis ne permet plus de larmes :
Il sait les détourner des horreurs d’un cerceuil ;
Et la peur d’être ingrate étouffe votre deuil.
Non que je blâme en vous quelques soins de lui plaire.
Tant que la guerre ici l’a rendu nécessaire ;