Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/386

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Mais tel que je puis être, on m’aime, ou pour mieux dire,
La reine Viriate à mon hymen aspire :
Elle veut que ce choix de son ambition
De son peuple avec nous commence l’union,
Et qu’ensuite à l’envi mille autres hyménées
De nos deux nations l’une à l’autre enchaînées
Mêlent si bien le sang et l’intérêt commun,
Qu’ils réduisent bientôt les deux peuples en un.
C’est ce qu’elle prétend pour digne récompense
De nous avoir servi avec cette constance,
Qui n’épargne ni biens, ni sang de ses sujets,
Pour affermir ici nos généreux projets.
Non qu’elle me l’ai dit, ou quelque autre pour elle ;
Mais j’en vois chaque jour quelque marque fidèle ;
Et comme ce dessein n’est plus pour moi douteux,
Je ne puis l’ignorer, qu’autant que je le veux.
Je crains donc de l’aigrir si j’épouse Aristie,
Et que de ses sujets la meilleure partie,
Pour venger ce mépris, et servir son courroux,
Ne tourne obstinément ses armes contre nous.
Auprès d’un tel malheur, pour nous irréparable,
Ce qu’on promet pour l’autre est peu considérable ;
Et sous un faux espoir de nous mieux établir,
Ce renfort accepté pourrait nous affoiblir.
Voilà ce qui retient mon esprit en balance,
Je n’ai pour Aristie aucune répugnance ;
Et la Reine à tel point n’asservit pas mon cœur,
Qu’il ne fasse encor tout pour le commun bonheur.

Perpenna
Cette crainte, Seigneur, dont votre âme est gênée,
Ne doit pas d’un moment retarder l’hyménée.
Viriate, il est vrai, pourra s’en émouvoir ;
Mais que sert la colère où manque le pouvoir ?
Malgré sa jalousie et ses vaines menaces,