Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/389

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Lorsqu’il vous parlera, vous sachiez vous défendre.
On a peine à haïr ce qu’on a bien aimé,
Et le feu mal éteint est bientôt rallumé.

Aristie
L’ingrat par son divorce en faveur d’Emilie
M’a livrée aux mépris de toute l’Italie,
Vous savez à quel point mon courage est blessé ;
Mais s’il se dédisait d’un outrage forcé,
S’il chassait Emilie, et me rendait ma place,
J’aurais peine, Seigneur, à lui refuser grâce,
Et tant que je serai maîtresse de ma foi,
Je me dois toute à lui, s’il revient toute à moi.

Sertorius
En vain donc je me flatte, en vain j’ose, Madame,
Promettre à mon esprit quelque part en votre âme :
Pompée en est encore l’unique Souverain,
Tous vos ressentiments n’offrent que votre main,
Et quand par ses refus j’aurais droit d’y prétendre,
Le cœur toujours à lui ne voudra pas se rendre.

Aristie
Qu’importe de mon cœur, si je sais mon devoir,
Et si mon Hyménée enfle votre pouvoir ?
Vous ravaleriez-vous jusques à la bassesse
D’exiger de ce cœur des marques de tendresse,
Et de les préférer à ce qu’il fait d’effort
Pour braver mon Tyran, et relever mon sort ?
Laissons, Seigneur, laissons pour les petites âmes
Ce commerce rampant de soupirs et de flammes,
Et ne nous unissons que pour mieux soutenir
La liberté que Rome est prête à voir finir.