Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/423

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Sertorius pour vous est un illustre appui ;
Mais en faire le mien, c’est me ranger sous lui ;
Joindre nos étendards, c’est grossir son empire.
Perpenna, qui l’a joint, saura que vous en dire.
Je sers ; mais jusqu’ici l’ordre vient de si loin,
Qu’avant qu’on le reçoive il n’en est plus besoin ;
Et ce peu que j’y rends de vaine déférence,
Jaloux du vrai pouvoir, ne sert qu’en apparence.
Je crois n’avoir plus même à servir qu’un moment ;
Et quand Sylla prépare un si doux changement,
Pouvez-vous m’ordonner de me bannir de Rome,
Pour la remettre au joug sous les lois d’un autre homme ;
Moi qui ne suis jaloux de mon autorité
Que pour lui rendre un jour toute sa liberté ?
Non, non : si vous m’aimez comme j’aime à le croire,
Vous saurez accorder votre amour et ma gloire,
Céder avec prudence au temps prêt à changer,
Et ne me perdre pas au lieu de vous venger.

Aristie
Si vous m’avez aimée, et qu’il vous en souvienne,
Vous mettrez votre gloire à me rendre la mienne ;
Mais il est temps qu’un mot termine ces débats.
Me voulez-vous, Seigneur ? Ne me voulez-vous pas ?
Parlez : que votre choix règle ma destinée.
Suis-je encore à l’époux à qui l’on m’a donnée ?
Suis-je à Sertorius ? C’est assez consulté :
Rendez-moi mes liens, ou pleine liberté…

Pompée
Je le vois bien, Madame, il faut rompre la trêve,
Pour briser en vainqueur cet hymen, s’il s’achève ;
Et vous savez si peu l’art de vous secourir,
Que pour vous en instruire, il faut vous conquérir.

Aristie
Sertorius sait vaincre et garder ses conquêtes.