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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/428

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SERTORIUS.

J’aime, et peut-être plus qu’on n’a jamais aimé ;1195
Malgré mon âge et moi, mon cœur s’est enflammé.
J’ai cru pouvoir me vaincre, et toute mon adresse
Dans mes plus grands efforts m’a fait voir ma foiblesse.
Ceux de la politique et ceux de l’amitié
M’ont mis en un état à me faire pitié.1200
Le souvenir m’en tue, et ma vie incertaine
Dépend d’un peu d’espoir que j’attends de la reine.
Si toutefois…

Thamire.

Si toutefois…Seigneur, elle a de la bonté ;
Mais je vois son esprit fortement irrité ;
Et si vous m’ordonnez de vous parler sans feindre, 1205
Vous pouvez espérer, mais vous avez à craindre.
N’y perdez point de temps, et ne négligez rien ;
C’est peut-être un dessein mal ferme que le sien.
La voici. Profitez des avis qu’on vous donne,
Et gardez bien surtout qu’elle ne m’en soupçonne.1210


Scène II.

Sertorius, Viriate, Thamire.
Viriate.

On m’a dit qu’Aristie a manqué son projet,
Et que Pompée échappe à cet illustre objet.
Seroit-il vrai, Seigneur ?

Sertorius.

Seroit-il vrai, Seigneur ?Il est trop vrai, Madame ;
Mais bien qu’il l’abandonne, il l’adore dans l’âme,
Et rompra, m’a-t-il dit, la trêve dès demain, 1215
S’il voit qu’elle s’apprête à me donner la main.