Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/445

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Je périrai plutôt qu’une autre la partage.
Mes sujets valent bien que j’aime à leur donner
Des monarques d’un sang qui sache gouverner,
Qui sache faire tête à vos tyrans du monde,
Et rendre notre Espagne en lauriers si féconde,
Qu’on voie un jour le Pô redouter ses efforts,
Et le Tibre lui-même en trembler pour ses bords.

Aristie
Votre dessein est grand ; mais à quoi qu’il aspire…

Viriate
Il m’a dit les raisons que vous me voulez dire.
Je sais qu’il serait bon de taire et différer
Ce glorieux hymen qu’il me fait espérer :
Mais la paix qu’aujourd’hui l’on offre à ce grand homme
Ouvre trop les chemins et les portes de Rome.
Je vois que s’il y rentre il est perdu pour moi,
Et je l’en veux bannir par le don de ma foi.
Si je hasarde trop de m’être déclarée,
J’aime mieux ce péril que ma perte assurée ;
Et si tous vos proscrits osent s’en désunir,
Nos bons destins sans eux pourront nous soutenir.
Mes peuples aguerris sous votre discipline
N’auront jamais au cœur de Rome qui domine ;
Et ce sont des Romains dont l’unique souci
Est de combattre, vaincre, et triompher ici.
Tant qu’ils verront marcher ce héros à leur tête,
Ils iront sans frayeur de conquête en conquête.
Un exemple si grand dignement soutenu
Saura… Mais que nous veut ce Romain inconnu ?